Comment enseigner le subjonctif aux anglophones ? (Fle - pour les profs)
Publié le 16 Janvier 2014
Ma feuille de verbes au subjonctif
Liste de questions pour parler au subjonctif
Pour mon premier article de l'année, le subjonctif m'est venu à l'esprit car on en a souvent besoin pour formuler nos voeux de bonne année ; que cette année soit une année pleine de joie et de réussite professionnelle, qu'elle vous apporte le succès dans les affaires comme dans votre vie personnelle etc.
Le subjonctif est difficile à enseigner aux anglophones ; il n'existe pas dans leur langue et ils ont en général de terribles souvenir d'école. La première chose à faire est donc de les rassurer. Pour cela, je raconte une anecdote à mes étudiants. Alors que j'étais débutante, j'avais dit à mes étudiants que nous allions étudier le subjonctif la semaine suivante. Ils étaient, bien sûr, tous partis avec un air inquiet. Le jour venu, un étudiant est arrivé avec un air triomphant dans la classe : "ma petite amie m'a dit que les Français n'utilisent pas le subjonctif !" Les autres étudiants ont tout de suite été soulagés, comme s'ils allaient pouvoir éviter la torture. Ils se sont alors tournés vers moi, avec des regards qui me demandaient pourquoi je voulais leur apprendre quelque chose d'inutile. Je n'ai pas suggéré à mon étudiant de dire à sa petite amie de réviser sa grammaire, j'ai plutôt tourné l'incident à mon avantage. "Vous voyez", leur ai-je dit, "le subjonctif ressemble tellement au présent que la plupart des Français ne se rendent pas compte quand ils l'utilisent". Et je leur ai donné des exemples : "il faut que je travaille tard aujourd'hui", "il faut que tu me donnes la clé", "il faut qu'il mange plus de légumes", "il faut absolument que tu regardes ce film", "il faut que je téléphone à Pierre" etc. Et donc, je leur explique qu'après "il faut que", c'est du subjonctif mais les Français n'y pensent pas, c'est tellement naturel.
Puis je leur explique rapidement que "subjonctif" exprime la subjectivité, quelque chose qui n'est pas réel. "tu regardes le film" est réel mais "il faut que tu regardes le film" est une opinion, une suggestion, donc c'est du subjonctif. C'est l'explication qu'on trouve dans tous les manuels mais je ne l'aime pas parce qu'il suffit de dire "tu dois regarder le film" et il n'y a pas de subjonctif et voilà, l'anglophone est perdu. En plus après il faut leur expliquer que "j'espère que", "je crois que", "je pense que" ne sont pas suivis du subjonctif, alors que, franchement, ce sont sans doute les expressions les plus subjectives qui soient !
Après, je leur donne des exemples de phrases à toutes les personnes. "Qu'est-ce que vous observez ?" "Le i pour nous et vous", répondent-ils. "Voilà, c'est la seule chose à mémoriser. C'est facile le subjonctif, n'est-ce pas ?" Et je leur donne plein de verbes réguliers à transformer : danser = il faut que vous dansier, visiter = il faut que vous visitiez etc.
A ce moment-là, il y a toujours un étudiant qui demande s'il y a des exceptions. C'est qu'ils sont habitués à la liste d'exceptions qui suit une règle ;) Là je fais un grand sourire "Ah oui, bien sûr, mais vous les connaissez, c'est quels verbes à votre avis ?" et tout de suite ils me citent être, avoir, aller, faire... Et j'en reste là pour la première semaine. Je leur dis de bien mémoriser le "i" après nous et vous et si possible d'apprendre les verbes irréguliers principaux. Le reste de la leçon, on fait quelque chose sur la culture française, quelque chose de léger.
La semaine d'après, je ne fais pas non plus toute la leçon sur le subjonctif. Je leur fais juste répéter quelques verbes réguliers. Je leur demande de me donner des exemples de ce qu'ils doivent acheter pendant la semaine, à qui ils doivent téléphoner, où doivent-ils aller etc.
Pour la troisième semaine, je leur explique la structure du subjonctif : on prend "ils" au présent et on ajoute e, es, e, ions, iez, ent. Je leur donne une liste de verbes très fréquents et on pratique ensemble : ils boivent = il faut que je boive, ils écrivent = il faut que j'écrive, ils dorment = il faut que je dorme. Puis je leur demande : "il faut que nous buvions, nous prenions, nous allions...", ça ressemble à quoi ? A l'imparfait, bien sûr". Donc, pour "ils", c'est exactement la même chose au présent et au subjonctif et "nous/vous", c'est comme à l'imparfait. Et je redonne une liste de verbes à transformer, en leur demandant de penser à "ils" au présent. Je finis = que je finisse, je pars = que je parte.
La quatrième semaine, je fais finalement une leçon complète sur le subjonctif. J'utilise un chapitre de la grammaire en dialogues ; "il faut que je fasse un régime ?" Bien sûr, beaucoup de conversation et pas juste sur le subjonctif. Avec ce dialogue on peut comparer la nourriture française et celle de l'apprenant. La femme du dialogue est normande et elle fait allusion au beurre et à la crème fraîche. Les étudiants connaissent-ils les spécialités régionales de la France ? Puis on finit sur "que faut-il manger pour être en bonne santé ?" "Faut-il manger allégé ?" etc.
Un devoir sympa est de demander aux étudiants d'écrire une lettre à un ami français qui voudrait s'installer dans leur pays. Quels conseils peuvent-ils donner pour trouver du travail, se faire des amis, ce qu'il y a à visiter etc.
Les semaines suivantes, je fais un petit dialogue par semaine avec le livre compréhension orale ; il y en a plein. J'utilise plutôt le sujet de conversation du dialogue et je fais un clin d'oeil au subjonctif ; "quels verbes au subjonctif entendez-vous ?" Et je termine la leçon en leur demandant ce qu'il faut qu'ils fassent pendant la semaine ou le week end.
Puis, je fais une pause pendant quelques leçons et après cela j'introduis peu à peu toutes les différentes structures qui utilisent le subjonctif. Compréhension orale 2 est très bien pour cela.
J'espère que cela vous aura donné quelques idées pour vos leçons. N'hésitez pas à me contacter si vous avez des questions.